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"Nouveau Statut d'autonomie valencien (2006):
résolution ou pérennisation d'un conflit « linguistique » rétrograde?"

Mélanges en hommage à Jacques Soubeyroux, Université de Saint-Étienne, pp. 735-752 Éditions du CELEC, 2008.

Franck Martin (Université de Saint-Étienne)

Facteur d'objectivation le plus prégnant de l'expression de la « valencianité », la langue dite « propre » de la Communauté valencienne, le catalan de Valence, la modalité valencienne de la langue catalane, est l'otage depuis plusieurs décennies de multiples manœuvres politiciennes connues sous le nom de « conflit linguistique valencien ». Deux tendances majeures s'affrontent : les défenseurs d'une conception « unitariste » du catalan, soutenus sur le terrain linguistique par l'ensemble de la communauté scientifique, linguistes, sociolinguistes et philologues de tous bords, valenciens ou non, espagnols et internationaux ; les partisans d'un sécessionnisme linguistique, aspirant sans relâche à une reconnaissance d'une « langue valencienne », « une », « indépendante » du catalan, une langue « autochtone », un valencien de laboratoire, « contre-normé » car contraire aux travaux de normativisation pourtant reconnus par tous les linguistes, valenciens compris, dès 1932. Cependant que les premiers sont soupçonnés et/ou accusés, non sans violence, de vouloir sacrifier, sinon la culture, la langue « propre » de la Communauté valencienne, sur l'autel d'un pancatalanisme politique, les seconds, à des fins électoralistes (l'idée fait recette) et/ou mus par un antivalencianisme latent et/ou un anticatalanisme primaire, hérité de rancoeurs passées ou créé ex nihilo, puis nourri par des milieux d'extrême-droite, s'emploient à circonvenir l'ensemble de la population sur l'identité de sa langue « propre », en procédant avec un systématisme appliqué, qui incite parfois à vouloir légitimer leurs revendications, à un révisionnisme partisan de l'historiographie valencienne, et à une interprétation ubuesque des principes fondamentaux de la linguistique. L'enjeu est de taille. Il correspond, sur le plan culturel, politique, économique, et même sociétal, à deux modèles antagoniques : une émancipation pancatalaniste de Valence, l'inclusion de la Communauté valencienne, dans ce cas le « Pays valencien », dans un espace plus vaste, les fameux « Pays Catalans » regroupant, outre la Catalogne, les îles Baléares et, au besoin, la Catalogne française ; à l'inverse, l'édification et la consolidation d'un ensemble strictement valencien, sans lien aucun avec la Catalogne, une Communauté valencienne, non nécessairement isolationniste mais davantage tournée vers Madrid que vers Barcelone.

Dans ce cadre, une étude attentive du tout nouveau Statut d'Autonomie valencien (2006) s'avère fondamentale. Inscrit dans un processus national précautionneusement encadré par Madrid depuis 2004 et destiné à remplacer le premier Statut valencien né de la Loi Organique de juillet 1982, ce nouveau Statut n'a pas pour but ou fonction de statuer sur l'identité du valencien. Les travaux rédigés en ce sens par les linguistes sont légion, à l'intérieur et à l'extérieur de la Communauté[1]. Il énonce, cependant, un ensemble de dispositions permettant d'apporter quelques éléments de réponse aux interrogations suivantes : les sécessionnistes valenciens sont-ils parvenus, par leurs actions quotidiennes souvent spectaculaires, à investir suffisamment le terrain politique pour donner naissance à un texte favorable à leurs revendications ? En pareil cas, appelé à régir le fonctionnement autonomique de la Communauté valencienne durant de nombreuses années, ce nouveau Statut serait à considérer avec un immense pessimisme. Il serait un signe avant-coureur, sinon d'un envenimement, au moins d'une perpétuation d'un conflit qui, au final, n'a de « linguistique » que le nom. A l'inverse, cette réforme statutaire est-elle à même, dans son énonciation et par le traitement accordé à la langue « propre », de mettre un terme au conflit de ces trop longues dernières années ? Sans renonciation aucune à la singularité du catalan de Valence (telle ne saurait être la question), offre-t-elle les conditions nécessaires à une résolution durable, voire définitive, du conflit ? Quels que soient les termes utilisés dans le texte, dont nous proposons l'analyse ci-après, in situ le degré d'adscription de la population à son territoire demeurera sans doute inchangé. Il en va, sur un plan sociolinguistique tout au moins, de la réussite de la politique de normalisation de la langue « propre », du rayonnement en territoire valencien du catalan de Valence et, partant, de la place et du rôle de la Communauté valencienne dans l'Europe culturelle, économique et politique de demain.

Le nouveau Statut d'Autonomie de la Communauté valencienne se singularise par un préambule d'une longueur fort inhabituelle pour un texte statutaire : trois cent deux lignes contre dix seulement dans la version de 1982 (pour la Catalogne, à disposition égale, la différence est moindre : soixante-dix lignes en 2006 contre quarante dans la version de 1978). Cette singularité répond sans doute à un souci de transparence politique, d'explicitation didactique des démarches autonomiques. Elle est aussi un reflet de la difficulté des Valenciens à s'entendre autour d'un texte, précisément en raison du « conflit linguistique » de ces dernières années, des multiples questionnements identitaires suscités.

Le ton est donné dès les premières lignes. Exercice d'équilibriste de haut vol puisqu'il convoque, au risque de paraître abscons, les deux principales dénominations de la région (« Royaume de Valence », chère aux sécessionnistes v/s « Pays valencien », davantage prisée par les tenants de l'unité linguistique, le « Pays valencien » pouvant être considéré comme l'un des « Pays catalans »), cet énoncé est une copie au passé du préambule du Statut de 1982. Nous mesurons ainsi l'absence de consensus au cours de ces vingt-quatre dernières années. Nous pressentons aussi une continuité, une pérennisation du conflit :

« Aprobada la Constitución Española fue, en su marco, donde la tradición valenciana proveniente del histórico Reino de Valencia se encontró con la concepción moderna del País Valenciano y dio origen a la autonomía valenciana, como integradora de las dos corrientes de opinión que enmarcan todo aquello que es valenciano en un concepto cultural propio en el estricto marco geográfico que alcanza. »

Après un rappel de certaines étapes-clés du processus autonomique (pré-autonomie valencienne, création du Conseil du Pays Valencien, approbation de la Constitution espagnole de 1978, et adoption du Statut d'Autonomie de 1982, par une voie intermédiaire -au grand dam des nationalistes- entre la voie 151, empruntée par les « Nationalités Historiques » d'Espagne, et la voie 143, plus classique et générale à l'ensemble du pays), le législateur justifie ensuite l'utilité de la réforme statutaire :

« Han pasado más de veintidós años desde la aprobación de nuestro Estatuto y es el momento de hacer una reforma necesaria. Es necesaria porque adaptar nuestro Estatuto a la realidad actual de la Comunitat Valenciana es mejorar la calidad de vida de las valencianas y de los valencianos a los nuevos tiempos… »

Confirmée par les nouvelles réalités sociales, politiques, économiques et technologiques de la Communauté, et par l'ouverture de l'Espagne à l'Union européenne, cette justification est immédiatement suivie d'un long développement consacré dans son entier à la langue « propre » de Valence. Sur le fond, l'intention est louable, notamment si l'on adopte un point de vue favorable au processus de normalisation linguistique. Outre la coofficialité des deux langues, castillan et valencien, l'équilinguisme, la parité dans l'habitus linguistique, semble vouloir être assuré :

« También se define la lengua valenciana como propia de la Comunitat Valenciana y el idioma valenciano, junto al castellano, los dos idiomas oficiales. »

Plus encore, la suite de l'énoncé révèle un choix préférentiel pour le valencien :

« […] se reseña en el idioma valenciano el nombre de todas las instituciones valencianas para que sean utilizadas así, tanto cuando se escriba o se hable en valenciano como en castellano […] Se incorporan al Estatuto todas aquellas instituciones de la Generalitat que se crearon después de su aprobación. Se denominan en valenciano todas ellas… »

Sur la forme, resurgit toutefois l'éternelle question de la dénomination, thématique centrale du « conflit linguistique valencien ». Qu'un document aussi officiel qu'un Statut d'Autonomie associe, comme cela apparaît ci-dessus, le substantif « lengua » et « idioma » (l'usage des deux termes est aujourd'hui indifférencié, à Valence et partout en Espagne, dans les textes statutaires, ceux de la Catalogne, de la Galice, et du Pays basque, et dans la pratique) à l'adjectif « valenciano » est un blanc-seing accordé aux sécessionnistes. Depuis le début de la Transition espagnole, ces derniers n'ont eu de cesse de rendre compte de l'existence de cette dénomination de la langue « propre » de la Communauté valencienne dans divers documents historiques[2] pour conclure, de façon péremptoire, à une « indépendance » du valencien et, pour les plus audacieux, à une supériorité d'une « langue valencienne » sur une « langue catalane », cette dernière étant, dans le meilleur des cas, reléguée avec péjoration au rang de « dialecte » de la première. Comment imaginer dans un tel contexte que les tensions se dissipent, et que cessent les affrontements et querelles intestines, dont la Communauté valencienne semble avoir le secret ? A l'avenir, les plus farouches défenseurs d'une « indépendance » ou « autochtonie » du valencien se référeront avec gourmandise au Statut de 2006 pour étayer leur argumentaire, prôner une partition de la langue catalane.

Basé sur la notion de « Nationalité Historique », l'extrait suivant s'inscrit dans une logique d'affirmation identitaire plus forte que dans le passé :

« Igualmente, es motivo de esta reforma el reconocimiento de la Comunitat Valenciana, como Nacionalidad Histórica por sus raíces históricas, por su personalidad diferenciada, por su lengua y cultura y por su Derecho Civil Foral. »

Le substantif « Nationalité » figurait déjà dans l'article 1 du Statut de 1982. Pour autant, il n'était pas directement associé à la Communauté valencienne :

« El pueblo valenciano […] se constituye en Comunidad Autónoma, dentro de la indisoluble unidad de la nación española, como expresión de su identidad histórica y en el ejercicio del derecho de autogobierno que la Constitución reconoce a toda nacionalidad… »

Valence aspire ainsi, à présent, à une reconnaissance de ses particularismes suffisamment explicite pour lui permettre d'accéder au rang de « Nationalité Historique », au même titre que la Galice, le Pays basque et la Catalogne, celle du Statut de 1978 tout au moins puisque, dans la version de 2006, chemin faisant, en déclinant les vocables « Nation » et « Pays », la formulation catalane rend compte d'une forte radicalisation :

« La Nación catalana ha venido realizándose en el curso del tiempo […] mueven este Estatuto la aspiración, el proyecto y el sueño de una Cataluña sin ningún tipo de obstáculos a la libre y plena interdependencia que una nación necesita hoy […] Cataluña es un País rico en territorios y gente […] Cataluña es una Nación. »

Le législateur valencien réitère ensuite la formulation « langue valencienne », chère aux sécesionnistes :

« Pretende también esta reforma el impulso y desarrollo del Derecho Civil Foral Valenciano aplicable, del conocimiento y uso de la lengua valenciana, de la cultura propia y singular de nuestro pueblo, de sus costumbres y tradiciones. Por eso el desarrollo legislativo de las competencias de la Generalitat […] procurará la recuperación de los contenidos de los Fueros del Reino de Valencia, abolidos por la promulgación del Decreto de 29 de junio de 1707. »

Au-delà de cette nouvelle occurrence de la dénomination sécessionniste de la langue « propre », cet énoncé appelle deux remarques. La référence explicite au Décret de « Nueva Planta », véritable blessure dans l'appréhension de l'espace identitaire valencien pour les plus nationalistes, démontre l'attachement des auteurs de la réforme statutaire à l'un des principaux traits différentiels valenciens, l'un des principaux marqueurs de la « valencianité », le Droit Civil Foral valencien[3]. Second élément notable, la disparition de l'adjectif « histórico » devant « Reino de Valencia ». Assurément anachronique (si Valence s'inscrit aujourd'hui dans un Royaume, il s'agit, bien entendu, exclusivement de celui de l'Espagne), ce mode de dénomination de la Communauté valencienne, « Royaume de Valence », est un nouvel exemple de l'influence des sécessionnistes. Attachés à se démarquer le plus possible de la Catalogne, ces derniers aiment à se référer au « Royaume de Valence », de façon à mettre en exergue une pseudo-supériorité de Valence sur la Catalogne, cette dernière n'ayant jamais réussi au cours de son histoire, disent-ils, à dépasser le statut de « Comté. »

Enfin, le préambule du nouveau Statut valencien se termine par une présentation succincte des dix Titres du texte (quatre-vingt-un articles contre soixante-et-un en 1982), des quatre dispositions additionnelles, des cinq dispositions transitoires, de la disposition dérogatoire et de la disposition finale. Cette présentation permet au législateur de procéder à une ultime référence au particularisme valencien, une affirmation identitaire plus forte que jamais, basée à nouveau sur une détermination à récupérer les traditionnels « Fueros » :

« En el Título I se incorpora en el artículo primero que la Comunitat Valenciana es una comunidad diferenciada como nacionalidad histórica, así como la asunción de los valores de la Unión Europea ; en el nuevo artículo 7 se incorpora un punto referido a la recuperación de los Fueros del Reino de Valencia que sean aplicables en plena armonía con la Constitución. »

Avant même une lecture attentive du corps du Statut, l'analyse du préambule de cette réforme invite donc à pressentir deux tendances majeures : une radicalisation des revendications nationalistes valenciennes, dans le sillage -bien entendu- de la voie ouverte par la Catalogne ; une empreinte sécessionniste dont les Valenciens auront bien du mal à se départir, si elle se confirme dans les articles suivants, puis et surtout, à l'issue de l'entrée en vigueur du Statut.

Intéressons-nous à présent aux articles 1, 2, 4, 6 et 7 du Titre I, faisant référence à la « Communauté valencienne », aux articles 9 et 12 du Titre II, consacré aux « Droits des Valenciens et des Valenciennes », aux articles 29, 35 et 41 du Titre III, traitant de la « Generalitat », aux articles 57 et 58 du Titre IV, relatif aux « Compétences communautaires », et à l'article 59 du Titre V, consacré aux « Relations de la Communauté valencienne avec l'Etat et les autres Communautés Autonomes. » A première vue, l'article 1 semble identique à celui de 1982. Il convient de remarquer toutefois la disparition de l'adjectif « indisoluble » devant « unidad de la Nación española », nouvel indicateur d'un cheminement vers ce que d'aucuns nomment un démantèlement politico-territorial annoncé de l'Espagne :

« El pueblo valenciano, históricamente organizado como Reino de Valencia, se constituye en Comunidad Autónoma, dentro de la unidad de la nación española… »

D'autre part, comme l'annonçait le préambule, par rapport au texte de 1982, la substitution de l'adjectif « histórica » par « diferenciada » après le vocable « identidad » permet un glissement final majeur, l'association de deux termes revendiqués par les nationalistes valenciens : « Nacionalidad Histórica » :

« El pueblo valenciano […] se constituye en Comunidad Autónoma […] como expresión de su identidad diferenciada como nacionalidad histórica y en el ejercicio del derecho de autogobierno que la Constitución Española reconoce a toda nacionalidad, con la denominación de Comunitat Valenciana… »

Cependant que l'Espagne cesse d'être reconnue comme une « Nation à l'unité indissoluble », cependant que la Catalogne devient elle-même une « Nation » à part entière, Valence s'octroie ainsi le statut de « Nationalité Historique ».

Bien qu'il soit identique à celui de 1982, l'article 2 mérite, à son tour, une analyse précise, en regard cette fois-ci de son homologue catalan. Tandis que le texte valencien apparaît figé et immuable en termes de délimitation du territoire (« El territorio de la Comunitat Valenciana comprende el de los municipios integrados en las provincias de Alicante, Castellón y Valencia. »), le texte catalan de 2006 indique dans son article 9 :

« El territorio de Cataluña es el que corresponde a los límites geográficos y administrativos de la Generalidad en el momento de la entrada en vigor del presente Estatuto. »

L'affaire semble entendue : la Catalogne n'exclut pas la possibilité de repousser, un jour, les limites de son territoire, de se positionner au cœur et surtout à la tête d'un plus vaste ensemble qui ne dit pas son nom, les « Pays catalans », revendication formulée dès le début du XXème siècle, comme le montrent ces propos du nationaliste catalan Antonio Rovira y Virgili, précisément basés sur le partage d'une même langue « propre » :

« [...] unis par leur origine commune, par leur histoire commune et par leur langage commun, les Catalans, les Valenciens, les Majorquins, les Roussillonnais sont un même peuple, une nation unique […] Et aujourd'hui, en Catalogne, on ne dit plus beaucoup Valenciens et Majorquins, mais Catalans de Valence et Catalans de Majorque […] Les îles Baléares sont la Catalogne insulaire, comme le Principat et le Royaume de Valence sont la Catalogne péninsulaire, comme le département français des Pyrénées Occidentales est la Catalogne ultra-pyrénéenne[4]. »

Dans sa détermination à se démarquer de Madrid, la Catalogne fait ainsi preuve d'un appétit qui enjambe parfois très prestement la frontière des autonomies voisines, ce qui n'est pas sans provoquer, en retour, une radicalisation des positions sécessionnistes valenciennes.

Toujours au sein du Titre I, l'article 4 traite de la délicate question de la Symbologie valencienne, thématique qui nous situe au cœur du « conflit linguistique valencien », et qui occupe trop souvent le devant de la scène politique. De façon schématique, tandis que les Valenciens reconnaissant la « catalanité » maintes fois démontrée de la langue « propre » de Valence se rallient derrière la « Quatribarrada », enseigne aux quatre barres dites « catalanes » initialement adoptée dans l'ancien Royaume de Valence par Jaume Ier, les sécessionnistes se mobilisent derrière la « Senyera » dotée d'une frange bleue sur l'un des quatre côtés en signe d'affirmation identitaire circonscrite à la seule Communauté valencienne. De façon à mettre un terme aux multiples heurts suscités par la question et, ce faisant, débloquer le processus d'autonomisation, sérieusement mis en péril par les sécessionnistes de l'époque (les plus virulents faisaient et font partie du « blaverisme », de l'adjectif « blau » en référence à la couleur distinctive de l'enseigne de la Communauté)[5], la classe politique locale s'était prononcée, en 1982, en faveur de la « Senyera ». La réforme statutaire de 2006 entérine donc cette concession faite, en son temps, aux sécessionnistes :

« 1. La Bandera de la Comunitat Valenciana es la tradicional Senyera compuesta por cuatro barras rojas sobre fondo amarillo, coronadas sobre franja azul junto al asta. »

Un second alinéa rappelle toutefois que le conflit n'est, en aucun cas, terminé. Si le texte de 1982 avait tranché en faveur de la bannière chère aux sécessionnistes, se pose à présent la question du blason, des armoiries propres à la région, prélude d'autres débats, d'autres débordements, d'autres violences :

« 2. Una Ley de Les Corts determinará la simbología heráldica propia de la Comunitat Valenciana que integra las tres provincias de Castellón, Valencia y Alicante. »

Suit l'article 6 consacré dans son entier à la langue « propre ». Apparaît tout d'abord une volonté de définir le valencien, définition pour le moins elliptique néanmoins puisque, dans la logique du texte de 1982, à aucun moment le nouveau Statut ne rend compte de sa « catalanité » :

''« La lengua propia de la Comunitat Valenciana es el valenciano. »

Nous sommes loin, très loin, de la lisibilité et de la correction du Statut d'Autonomie des îles Baléares puisque, dès 1983, celui-ci spécifiait :

« La lengua catalana, propia de las Islas Baleares, tendrá, junto con la castellana, el carácter de idioma oficial y todos tienen el derecho de conocerla y utilizarla[6]. »

Le deuxième alinéa est un nouveau reflet de la pression, couronnée de succès, des sécessionnistes. Si le texte donne tout d'abord l'impression d'une attention accrue accordée au valencien, le castillan étant « relégué » à la langue de l'Etat, les partisans du sécessionnisme sont parvenus, après de longs et houleux débats, à imposer, une fois de plus, la dénomination « idioma valenciano » :

« 2. El idioma valenciano es el oficial en la Comunitat Valenciana, al igual que lo es el castellano, que es el idioma oficial del Estado. »

Enfin, sous la pression cette fois-ci des plus ardents défenseurs du processus de normalisation, la fin de ce second alinéa est plus complète que la version de 1982 :

« Todos tienen derecho a conocerlos y a usarlos y a recibir la enseñanza del, y en, idioma valenciano. »

En raison d'une nouvelle occurrence de « idioma valenciano », se pose alors avec une acuité extrême la question suivante : à quel valencien le texte se réfère-t-il ? La modalité valencienne de la langue catalane, le catalan de Valence, ou ce que la réforme statutaire présente comme « une langue valencienne », une langue tout à fait autre que le catalan, probablement « contre-normée », ne correspondant à aucune réalité scientifique ?

L'alinéa 3 est une reprise du texte de 1982. Il souligne, et donc rappelle ici, vingt-quatre années plus tard, l'un des devoirs de la « Generalitat » en regard de la langue « propre » :

« 3. La Generalitat garantizará el uso normal y oficial de las dos lenguas, y adoptará las medidas necesarias para asegurar su conocimiento. »

Trois textes majeurs, propres à Valence, ont suivi cette formulation de 1982 : la Loi d'Usage et d'Enseignement du Valencien du 23 novembre 1983, la plus importante de toutes en raison de son caractère légal, le Plan Triennal pour la Promotion de l'Usage du Valencien dans la Communauté Valencienne (1990-1993), et le Plan Général de Promotion de l'Usage du Valencien (1994-1999). Accompagnés de multiples initiatives, notamment en matière d'éducation, ces trois textes ont permis de nombreux progrès : en termes de compétences, la compréhension et la maîtrise orale et écrite de la langue « propre » se sont améliorées, notamment au sein des classes d'âge les plus jeunes, dans la « zone à prédominance valencianophone », et dans certaines localités de la « zone à prédominance castillanophone » ; en termes de pratique, pour des pans entiers d'activités, il existe aujourd'hui une plus forte propension des structures économiques, sociales et culturelles, à utiliser la langue « propre » au quotidien, de telle sorte que, dans le domaine éducatif, l'administration autonomique et l'édition, un frein a pu être mis au processus de péjoration dont a été longuement victime la langue « propre ». Pour autant, de nombreuses insuffisances demeurent, dans divers secteurs d'activités, le monde des entreprises, celui de la communication par exemple. Enfin, certaines parties du territoire pourtant historiquement « valencianophones » sont en reste, certaines localités de la province d'Alicante par exemple, ce qui invite à conclure sans ambiguïté aucune : une normalisation linguistique pleine et entière demeure, à l'échelle communautaire, une véritable chimère et, face à un usage encore diglossique du valencien, le rappel en 2006 de l'article statutaire de 1982 est une impérieuse nécessité.

Suivent les alinéas 4, 5, 6 et 7, transcriptions quasiment fidèles de la version de 1982, ce qui à nouveau rend compte des insuffisances du passé dans les travaux de normalisation, du chemin à parcourir et de la multiplicité des engagements à tenir pour conduire un tel processus :

« 4. Nadie podrá ser discriminado por razón de su lengua. 5. Se otorgará especial protección y respeto a la recuperación del valenciano. 6. La ley establecerá los criterios de aplicación de la lengua propia en la Administración y la enseñanza. 7. Se delimitarán por ley los territorios en los que predomine el uso de una y otra lengua, así como los que puedan ser exceptuados de la enseñanza y del uso de la lengua propia de la Comunitat Valenciana. »

Ce dernier point met en lumière toute la spécificité et, partant, la complexité de la politique linguistique valencienne, au-delà du conflit opposant unitaristes et sécessionnistes. Contrairement à la Catalogne qui peut être définie comme « catalanophone » sur toute son étendue, toute une partie de l'actuelle Communauté n'a, à aucun moment de son histoire, depuis l'arrivée de Jaume Ier, été « valencianophone ». La classe politique a donc pour rude mission, en lieu et place de nourrir un conflit, de composer et conduire une politique respectueuse des deux principales composantes communautaires, chacune étant identiquement dépositaire des principaux traits différentiels de la Communauté. Une équation difficile à résoudre, qui explique sans doute ce que d'aucuns nomment la frilosité de la politique de normalisation linguistique valencienne en regard de celle de la Catalogne, puisque le Statut d'Autonomie catalan de 2006 précise sans nuances :

« La lengua propia de Cataluña es el catalán. Como tal, el catalán es la lengua de uso normal y preferente de todas las administraciones públicas y de los medios de comunicación públicos en Cataluña, y es también la lengua normalmente utilizada como vehicular y de aprendizaje en la enseñanza […] El catalán es la lengua oficial de Cataluña. »

Et d'ajouter, telle une concession :

« También lo es el castellano, que es la lengua oficial del Estado español. »

Enfin, au-delà même de la sphère catalane stricto sensu, le texte catalan indique :

« Los ciudadanos de Cataluña tienen el derecho a relacionarse por escrito en catalán con los órganos consitucionales y con los órganos jurisdiccionales de ámbito estatal […] Estas instituciones deben atender y deben tramitar los escritos presentados en catalán, y no pueden exigir a la persona interesada la traducción al castellano […] Las políticas de fomento del catalán deben extenderse al conjunto del Estado, a la Unión Europea y al resto del mundo. »

En raison de la singularité de sa configuration sociolinguistique, en aucun cas, la Communauté valencienne ne peut reproduire une politique linguistique aussi drastique, pour ne pas dire linguicide et glottophage, à l'encontre du castillan. Au-delà de la dialectique « Communauté valencienne/Espagne », cela reviendrait à déconsidérer un pan entier de la population valencienne et inscrirait dans la durée un processus d'ores et déjà perceptible in situ : l'investissement de la population exclusivement « castillanophone » d'un degré moindre de « valencianité », une « minusvalencianité ». En regard de la politique linguistique conduite sous le franquisme, cette orientation rend compte d'un singulier retournement de l'histoire. Elle n'en demeure pas moins pernicieuse car discriminatoire.

Enfin, le dernier alinéa de l'article 6 du texte valencien est la concrétisation de multiples débats, souvent violents, au cours de ces vingt-quatre dernières années, la création et l'institutionnalisation d'une seule et unique entité en charge de la normativisation linguistique, la codification académique de la langue « propre » de Valence, « l'Académie Valencienne de la Langue ». De prime abord, cette initiative peut paraître louable et salutaire. Seule une institution solide, en marge de toute querelle politicienne, peut contrecarrer les multiples projets plus ou moins fantaisistes de « contre-normativisation »[7]. Par ailleurs, lors de sa création en 1998, la dénomination finale retenue fut précisément « Académie Valencienne de la Langue », en lieu et place de « Académie de la Langue Valencienne ». Enfin, les premiers Académiciens ont pris soin de définir l'institution en ces termes :

«L'Acadèmia Valenciana de la Llengua és una institució de caràcter públic creada per la Generalitat Valenciana i adscrita a Presidència. Té per objecte determinar i elaborar la normativa lingüística del valencià, però no perquè la nostra llengua no tinga tal normativa. Ben al contrari. El seu procés de normativització va cristal·litzar fa ara set dècades per mitjà de l'acord ortogràfic denominat Normes de Castelló, un fet històric que va constituir llavors un consens necessari[8]. »

Néanmoins, une telle initiative ne risque-t-elle pas de conduire, à terme, à une partition lente mais irrévocable de la langue catalane, cette Académie étant à présent définie de façon officielle en des termes sécessionnistes, mention étant faite dans le nouveau Statut de l'existence d'une « langue valencienne » ? :

« 8. L'Acadèmia Valenciana de la Llengua es la Institución Normativa del idioma valenciano. »

L'article 7 confirme, pour sa part, la détermination des Valenciens à recouvrer leurs traditionnels « Fueros », nouvel exemple d'une radicalisation du nationalisme valencien :

« El desarrollo legislativo de las competencias de la Generalitat procurará la recuperación de los contenidos correspondientes de los Fueros del histórico Reino de Valencia… »

L'article 9 expose, quant à lui, la possibilité offerte aux Valenciens de correspondre dans leur langue « propre » avec l'Administration autonomique, ce qui -eu égard à la configuration sociolinguistique rappelée précédemment- n'est pas sans susciter quelques interrogations. Inscrite dans le cadre du processus de normalisation, cette mesure implique, en retour, une obligation pour tout fonctionnaire de la Communauté autonome, fût-il authentiquement valencien ET issu d'une « zone à prédominance castillanophone », de maîtriser une langue qui, pour autant, ne lui est pas « propre » :

« […] los ciudadanos valencianos tendrán derecho a dirigirse a la Administración de la Comunitat Valenciana en cualquiera de sus dos lenguas oficiales y a recibir respuesta en la misma lengua. »

Enfin, dans son article 12, le Titre II insiste une dernière fois sur la diversité culturelle de la Communauté valencienne, diversité directement liée bien sûr à la cohabitation des deux langues :

« La Generalitat velará por la protección y defensa de la identidad y los valores e intereses del Pueblo Valenciano y el respeto a la diversidad cultural de la Comunitat Valenciana y su patrimonio histórico. »

Au sein du Titre III, trois dispositions concernent la langue « propre » et appellent une attention particulière. L'article 29 confirme l'attachement des Valenciens à un statut de coofficialité et à un traitement égalitaire des deux langues :

« Todas las normas, disposiciones y actos emanados del Consell, que por su naturaleza lo exijan, serán publicados en el Diario Oficial de la Generalitat en las dos lenguas oficiales. »

Cet attachement est réitéré dans l'article 35, quasiment identique dans son début à la version de 1982, puis complété par une disposition spécifiant que, pour la nomination du personnel de Justice :

« […], se tendrá en cuenta su especialización en el Derecho civil foral valenciano y el conocimiento del idioma valenciano. »

Enfin, l'article 41 traite à nouveau de « l'Académie Valencienne de la Langue. » Nous pouvons mesurer, tout d'abord, la détermination à vouloir proscrire l'émergence et la cohabitation de diverses codifications de la langue « propre ». Il est temps, chacun semble en convenir, de mettre un terme à la confusion ambiante :

« La normativa lingüística de l'Acadèmia Valenciana de la Llengua será de aplicación obligtatoria en todas las administraciones públicas de la Comunitat Valenciana. »

Mais, nous mesurons aussi tout le poids du sécessionnisme valencien à travers un énième recours à la dénomination « langue valencienne » :

''« L'Acadèmia Valenciana de la Llengua, institución de la Generalitat de carácter público, tiene por función determinar y elaborar, en su caso, la normativa lingüística del idioma valenciano. »'

Une nouvelle loi encadrera la nomination des prochains Académiciens :

« En cuanto al procedimiento del nombramiento de sus miembros, funciones, facultades, estatuto y duración del mandato, habrá que ajustarse a lo que disponga la Ley de Les Corts que lo regule. »

Dans un cadre aussi singulièrement défini, quelles relations les « Académiciens » valenciens vont-ils désormais pouvoir entretenir avec les membres de « l'Institut d'Etudes Catalanes », lesquels continueront évidemment de prendre en charge et accompagner la « normativisation » de la langue catalane dans le reste de l'espace « catalanophone » ? Dans la mesure où ils auront désormais en charge de codifier, non pas les singularités valenciennes de la langue catalane, mais une « langue valencienne » qui, de l'avis de tous les linguistes, n'a aucune réalité, une résolution durable du conflit valencien apparaît bien illusoire.

Intéressons-nous à présent à l'article 57 du Titre IV. La présence même de cet article dans la réforme statutaire de 2006 nous confronte à nouveau à la question de la symbologie valencienne dans la reconnaissance de la Communauté comme « Nationalité Historique ». Au-delà de l'adoption d'un drapeau spécifique, les Valenciens ont mis à profit les vingt-quatre dernières années pour s'entendre, une fois n'est pas coutume, sur un édifice susceptible de cristalliser les aspirations nationalistes de la population :

« El Real Monasterio de Santa María de la Valldigna es templo espiritual, histórico y cultural del antiguo Reino de Valencia, y es, igualmente, símbolo de la grandeza del Pueblo Valenciano reconocido como Nacionalidad Histórica. La Generalitat recuperará, restaurará y conservará el monasterio, y protegerá su entorno paisajístico. Una Ley de Les Corts determinará el destino y utilización del Real Monasterio de Santa María de la Valldigna como punto de encuentro de todos los valencianos, y como centro de investigación y estudio para recuperar la historia de la Comunitat Valenciana. »

Nous remarquerons, bien sûr, dans cet énoncé, l'usage réitéré de la dénomination « Nationalité Historique », nouvel exemple de la détermination des Valenciens à prendre leur revanche sur le traitement accordé par Madrid lors de l'autonomisation du territoire (une voie intermédiaire entre la voie 151 et la voie 143 prévue par la Constitution de 1978). D'un point de vue sociologique, nous pouvons aussi nous interroger sur ce cheminement, sinon paradoxal, singulier, de certaines sociétés : conjointement au processus de mondialisation qui concerne et/ou affecte (c'est selon) chaque ensemble communautaire, s'opèrent ici et là divers replis identitaires qui semblent convoquer le passé plus fréquemment qu'ils n'interrogent leur devenir pour y trouver des référents identitaires, des repères plus ou moins authentiques, mais considérés utiles et nécessaires, car susceptibles de garantir, à l'avenir, aux communautés concernées, cohésion et solidité.

L'article 58 du Titre IV répond, pour sa part, à une volonté plus explicite que dans le passé de dynamiser le processus de normalisation linguistique :

« Los Notarios deberán garantizar el uso del valenciano en el ejercicio de su función en el ámbito de la Comunitat Valenciana de conformidad con las normas del presente Estatuto. Igualmente garantizarán la aplicación del derecho civil foral valenciano que deberán conocer. »

Enfin, l'article 59 du Titre V prend tout son sens à la lumière de certains énoncés du Statut d'Autonomie catalan. Déjà en 1979, le texte catalan s'appuyait sur le partage d'une même langue « propre » pour envisager diverses actions de coopération :

« Por ser el catalán patrimonio de otros territorios y comunidades, además de los vínculos y correspondencia que mantengan las instituciones académicas y culturales, la Generalidad podrá solicitar del Gobierno que presente y celebre, en su caso, a las Cortes Generales, para su autorización, los tratados o convenios que permitan el establecimiento de relaciones culturales con los Estados donde se integren o residan aquellos territorios y comunidades[9]. »

Aujourd'hui, l'énoncé catalan est plus explicite encore car il met en évidence, dans son article 6, un glissement qui ne saurait être déconsidéré entre « pouvoir » et « devoir » :

« La Generalidad debe promover la comunicación y la cooperación con las demás comunidades y los demás territorios que comparten patrimonio lingüístico con Cataluña. A tales efectos, la Generalidad y el Estado, según que corresponda, pueden suscribir convenios, tratados y otros mecanismos de colaboración para la promoción y la difusión exterior del catalán. »

Plus encore, cette première disposition catalane est suivie d'un autre article consacré tout entier à la même question, et outrepassant les seules limites du territoire espagnol :

« La Generalidad debe promover la comunicación, el intercambio cultural y la cooperación con las comunidades y los territorios, pertenecientes o no al Estado español, que tienen vínculos históricos, lingüísticos y culturales con Cataluña… »

L'idée de créer un vaste ensemble, une grande Catalogne qui, à nouveau, ne dit pas encore son nom, est dans l'esprit de tous, et n'échappera pas aux Valenciens, unitaristes et sécessionnistes. Elle est confortée dans l'article suivant, où il est question d'un ensemble habilement dénommé « eurorregión » :

« Cataluña, a través del Estado, pertenece a la Unión Europea, comparte los valores y el modelo de bienestar y de progreso europeos y ofrece su amistad y colaboración a las comunidades y las regiones vecinas para formar, desde la Mediterránea, una eurorregión útil para el progreso de los intereses comunes en el marco de sus competencias. »

Dans le texte valencien, si l'idée même de coopération entre diverses autonomies est envisagée, à aucun moment il n'est question d'un partage d'une seule et même langue « propre ». Nous pouvons noter, il est vrai, une avancée en direction d'un processus de régionalisation. Pour autant, l'énoncé demeure général et s'inscrit dans le cadre du « principe de solidarité » cher à la Constitution de 1978 :

« La Generalitat mantendrá especial relación de cooperación con las Comunidades Autónomas vecinas que se incluyan en el Arco Mediterráneo de la Unión Europea. »

En réalité, la Communauté valencienne démontre simplement, au travers de cet article, avoir saisi tout l'enjeu de la situation sur un plan strictement économique. Car, c'est un fait aujourd'hui reconnu de tous, souligné dès 1993 par le sociologue valencien, Rafael Lluís Ninyoles Monllor :

« Le cadre de la langue catalane, avec la Catalogne, le Pays Valencien et les Iles, se situe sur l'arc méditerranéen, l'un des espaces européens à plus grand potentiel économique qui, avec l'axe Rhin-Rhône, inclut l'arc méditerranéen péninsulaire : depuis Gérone jusqu'à Alicante, avec un prolongement potentiel qui arriverait jusqu'aux limites de son histoire culturelle : vers Murcie et l'Andalousie orientale [...] Ce couloir méditerranéen [...] a aujourd'hui pour caractéristique de regrouper l'ensemble des activités les plus innovatrices et dynamiques : dans le domaine des nouvelles technologies, d'offre de loisirs et de développement touristique, d'équipements, et d'offre de main-d'œuvre peu conflictuelle, aux côtés des conditions climatiques, éléments qui font penser à une forte expansion face à la congestion de l'espace central européen […] Il est [...] difficile de ne pas observer que la voie valencienne vers l'Europe passe aujourd'hui par la Catalogne[10]. »

En conclusion, notre étude de la réforme statutaire de la Communauté valencienne nous invite à retenir deux points essentiels. Le premier est une accentuation manifeste des revendications nationalistes. Ce texte se démarque encore de la radicalité de son homologue catalan, tant en matière de dénomination du territoire que de politique de normalisation de la langue « propre ». Toutefois, en s'octroyant officiellement le rang de « Nationalité Historique », en revendiquant de façon aussi explicite la récupération du régime Foral, en s'arc-boutant sur le recours aux symboles et, grande nouveauté, en optant pour l'institutionnalisation du Monastère de Santa María de la Valldigna comme « temple spirituel, historique et culturel de l'ancien Royaume de Valence, symbole de la grandeur du Peuple Valencien reconnu comme Nationalité Historique », la Communauté valencienne se montre déterminée à ne pas demeurer en marge du processus d'affirmation des nationalismes périphériques espagnols les plus revendicatifs.

Second élément notable, le nouveau Statut d'Autonomie regorge de formulations favorables aux sécessionnistes. Cette constatation est, à notre sens, préoccupante. Elle rend compte d'un retour à la période pré-autonomique, puisque les concessions faites aux sécessionnistes dans le Statut de 1982 étaient moindres. A aucun moment n'apparaissait la dénomination « langue valencienne », aucune référence n'était faite à une « Académie Valencienne de la Langue », susceptible de donner corps à une « autochtonisation » de la langue « propre ». Que penser d'un tel cheminement, d'une telle dérive ? L'ignorer officialiserait très vite la reconnaissance d'une langue de laboratoire totalement artificielle, la plus éloignée possible du catalan. Il convient davantage de mettre en exergue, de façon à mieux les dénoncer et les combattre, les réelles motivations des plus farouches défenseurs de la cause sécessionniste : un antivalencianisme latent et/ou un anticatalanisme primaire.

Le premier élément est aisément perceptible, la plupart de ses militants s'exprimant quasiment exclusivement en castillan, reconnaissant même parfois, à mots couverts bien sûr, ne pas maîtriser la langue « propre » pour laquelle ils disent se battre quotidiennement. Il convient donc de ne pas s'y tromper : bénéficiant du soutien des réseaux de communication les plus modernes, les opérations de « contre-normativisation » sont souvent conçues dans le seul et unique dessein de réduire le valencien à une peau de chagrin, le marginaliser, le folkloriser, le cantonner à des activités « falleras », reléguer cet élément diacritique de la « valencianité » à une culture de bas étage, populiste, aborigène et exotique. Quant à l'anticatalanisme valencien, né de diverses rancoeurs passées, propres aux relations historiques entre la Catalogne et Valence, phénomène classique entre deux entités voisines, il se trouve nourri par divers milieux d'extrême-droite, à l'idéologie raciste et fascisante, connue sous le nom de « blaverisme », qui a trouvé, en investissant le terrain linguistique, un excellent moyen d'assouvir divers ressentiments, un exutoire à une déconsidération, par certains aspects, schizophrénique et paranoïaque de tout référent identitaire strictement catalan. Ce ressentiment se manifeste sur le terrain par de multiples affrontements, diverses violences adressées à toute représentation catalane en territoire valencien. Il a également pour cible privilégiée un sujet endogène, la plupart des Valenciens partisans de l'unité linguistique. Ne remettant en aucun cas en cause les singularités du catalan de Valence, ces derniers sont perçus, comme à l'époque de Manuel Sanchis Guarner, comme une cinquième colonne, un cheval de Troyes dépêché de Barcelone pour mieux assurer une nouvelle « re-Reconquête » du territoire valencien, et annihiler toute manifestation de la « valencianité. »

En ce sens, et compte tenu des formulations désormais inscrites de façon tout à fait officielle, pour ne pas dire définitive, dans le nouveau Statut, la plus grande prudence est de mise : le « conflit linguistique valencien », qui n'a de linguistique que le nom, semble encore promis, hélas, à un bel avenir. Ses principaux artisans peuvent désormais se prévaloir d'un texte qui, à terme, par le biais d'une reconnaissance d'une langue, sinon « indépendante », « autre » que le catalan, pourrait remettre en cause tant le rayonnement de la langue « propre » en territoire valencien que le positionnement et le rôle, en matière de culture tout au moins, de Valence au sein d'un plus grand espace, l'espace méditerranéen, espace-clé dans l'Europe de demain.

2008 © Franck Martin. Le présent document est expressément protégé contre tout usage, toute copie et toute distribution, de quelque sorte que ce soit. Pour la présente reproduction, nous avons obtenu l'autorisation de l'auteur.


  1. ^ « C'est un fait unanimement constaté par la philologie romane espagnole et internationale [...] le catalan, le valencien et le majorquin sont les trois principales variétés d'un unique diasystème linguistique, scientifiquement connu sous le nom de langue catalane. » Antoni FERRANDO I FRANCÉS, « La Gènesi del secessionisme idiomàtic valencià », La cultura valenciana ahir i avui, Benidorm, Universitat d'Alacant, 1986 (Conferències dels cursos internacionals de Benidorm), pp. 117-133.
  2. ^ « [...] au XVème siècle, les Valenciens [commencèrent] à désigner le catalan, le catalan qu'ils parlaient et écrivaient [...] par le nom de ‘langue valencienne' [...] ce faisant, [...] nul n'avait l'intention [...] de proclamer l'existence d'une ‘langue valencienne' face à une ‘langue catalane'. » Joan FUSTER, Nosaltres els Valencians, 15a ed., Barcelona, Edicions 62, 1995 (Col. Universal Butxaca, n° 32), pp. 128-129.
  3. ^ A l'origine de la perte des « Furs » valenciens, la bataille d'Almansa et ses implications ont marqué le groupe social valencien si intensément que l'événement a accédé au rang de proverbe, souvent utilisé aujourd'hui en référence à certains maux, très violents, issus d'un environnement extérieur à Valence : « Si el mal viene de Almansa, a todos alcanza ».
  4. ^ Antonio ROVIRA Y VIRGILI, El nacionalismo catalán, Barcelona, Minerva, 1919, pp. 18-19.
  5. ^ Dès le début du processus d'autonomisation, le « blaverisme » valencien fut à l'origine de multiples troubles : tracts, invectives, campagnes de dénigrement, manifestations, perturbations de rencontres culturelles et d'émissions télévisées, menaces, agressions verbales et physiques, dégradations, dépôts de bombes au domicile de divers intellectuels, profanation de la tombe de Joan Fuster en 1997, etc. Outre les articles de la presse quotidienne, se reporter à l'excellent ouvrage : Vicent BELLO SERRAT, La Pesta Blava, València, Eliseu Climent/3i4, 1988 (Sèrie La Unitat, n° 130).
  6. ^ Josep Maria QUINTANA PETRUS, El Estatuto de Autonomía para las Islas Baleares: análisis jurídico y sistemático, Madrid, Civitas, 1984, pp. 248-249.
  7. ^ L'un des tous premiers projets fut celui du poète valencien Josep Maria Bayarri Hurtado, auteur d'une codification dénommée « normes del 22 » en référence à l'année de ses travaux, ou « normes del cuáqueres » en raison du nombre élevé de [q] présents dans sa transcription. L'expérience fut renouvelée à la fin de la période franquiste par Miquel Adlert i Noguerol, auteur des « normes de Torre », puis des « normes de Murta », du nom des deux revues ayant publié ses travaux. Mais c'est surtout à partir de 1978, dans l'élan de la période transitionnelle, que ce processus ascientifique de « contre-normativisation » se généralisa, sous l'impulsion notamment de « l'Académie de Culture Valencienne », ancien « Centre de Culture Valencienne ». Dans le seul et unique but de s'éloigner du catalan de Catalogne, cette « Académie », parfois appelée « Royale », en référence à l'ancien Royaume de Valence, préconisa, de 1978 à 1982, pas moins de cinq codifications différentes, encore aujourd'hui largement diffusées par ses membres, qui usent d'internet, sans modération aucune, en appui aux éditions plus classiques. Se reporter à : Franck MARTIN, Les Valenciens et leur langue régionale : approche sociolinguistique de l'identité de la Communauté valencienne, Villeneuve-D'Ascq, Presses Universitaires du Septentrion, (Thèse de Doctorat), 2000, pp. 452-458.
  8. ^ http://www.avl.gva.es/
  9. ^ Enrique ORDUÑA REBOLLO, Estatuto de Autonomía de Cataluña, Madrid, Ministerio de la Administración Territorial-Secretaría General Técnica, 1979, pp. 100-101.
  10. ^ Rafael Lluís NINYOLES MONLLOR, El País Valencià a l'eix mediterrani, 2a ed., València, L'Eixam, 1993, pp. 32-34, 47-49, 51, 62-63.
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